Interdépendance des obligations : inefficacité d’une action en acquisition de la clause résolutoire en cas de manquement à l’obligation de délivrance

4 Sep 2025 | Jurisprudence

📌 Par un arrêt du 4 septembre 2025, la Cour de cassation confirme qu’un bailleur ne peut invoquer une clause résolutoire contre son locataire lorsque l’inexécution reprochée résulte de sa propre carence dans l’exécution de ses obligations (Civ. 3ème, 4 septembre 2025, n° 23-14.257).

🔍 Un bail commercial portant sur un immeuble entier (commerce en rez-de-chaussée et appartements en étages) comportait une clause par laquelle le locataire s’engageait à remettre les appartements en « état d’habitabilité ». Le 22 avril 2014, le bailleur avait délivré un commandement visant la clause résolutoire pour défaut d’exécution de cette obligation.

Le locataire soutenait à titre reconventionnel qu’il ne pouvait exécuter ses obligations tant que le bailleur n’avait pas réalisé les travaux structurels et d’étanchéité relevant de sa charge.

⚖️ La Cour de cassation approuve la Cour d’appel de ROUEN (CA ROUEN 1er décembre 2022 – RG 21/03711) qui avait annulé le commandement, rappelant que :

  • La clause de prise des lieux en l’état ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance ;
  • Les grosses réparations et travaux de vétusté restaient à la charge du bailleur faute de clause expresse contraire (le bail était antérieur à l’entrée en vigueur de la loi PINEL) ;
  • Les travaux d’étanchéité structurels n’étaient pas exécutés à la date du commandement.

La Haute Cour précise que « la locataire, qui ne pouvait réaliser les travaux mis à sa charge par le bail tant que ceux mis à la charge des bailleurs par ce même contrat n’étaient pas exécutés, n’avait pas commis le manquement qui lui était reproché« .

💡 Intérêt pratique : Le bailleur ne peut ainsi se prévaloir d’une clause résolutoire tant qu’il n’a pas satisfait à ses propres obligations, l’appréciation se faisant à la date précise du commandement comme le rappelle justement la Cour de cassation : 

« Elle a, ensuite, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, retenu que l’escalier et l’appartement du troisième et dernier étage étaient en mauvais état, en raison d’une absence d’entretien de la structure de l’immeuble, qu’il était nécessaire de remplacer les menuiseries et poteaux en bois entre les vantaux, y compris l’étanchéité avec les chenaux, que ces travaux, permettant d’assurer l’étanchéité du bâtiment à l’eau, relevaient des grosses réparations, que les travaux de toiture réalisés en 2013 par les bailleurs n’avaient pas mis fin aux défauts d’étanchéité, la toiture n’ayant été refaite qu’en 2021, et qu’à la date de délivrance du commandement, des réparations dites locatives étaient insuffisantes à permettre la remise en état d’habitabilité des appartements »

Lien vers la décision : https://www.courdecassation.fr/decision/68b92e9cd5d722cabac542ca?search_api_fulltext=Civ.%203%C3%A8me%2C%204%20septembre%202025%2C%20n%C2%B0%2023-14.257&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=all&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=&nextdecisionindex=