L’exception d’inexécution face à l’obligation de délivrance : dispense de mise en demeure préalable

18 Sep 2025 | Jurisprudence

📌 La Cour de cassation a rendu un arrêt le 18 septembre 2025 (n° 23-24.005) rappelant que le locataire à bail commercial peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser le paiement des loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable lorsque les locaux sont impropres à leur usage par manquement du bailleur.

L’article 1184, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dispose que : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement ».

L’article 1719 du code civil précise que : « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ».

L’article 1728 du code civil ajoute que : « Le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus ».

🔍 En l’espèce, la société bailleresse Le Bourgeon avait donné à bail un local à usage commercial pour une durée de vingt-trois mois à compter du 15 novembre 2011. A l’issue du bail, la locataire est demeurée dans les lieux sans signature d’un nouveau contrat.

La bailleresse l’a assignée en constatation de la résiliation du bail, expulsion et condamnation au paiement d’une indemnité, formant à titre additionnel des demandes en prononcé de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers.

La locataire a opposé une exception d’inexécution à la demande en paiement des loyers suite à des infiltrations survenues en août 2016 rendant le local impropre à son usage commercial.

La Cour d’appel de Fort-de-France (21 mars 2023) avait exigé une mise en demeure préalable, retenant qu’« en l’absence de toute pièce démontrant qu’antérieurement au 18 août 2016, elle n’a pu exploiter son commerce, elle ne peut utilement se prévaloir d’une exception d’inexécution avant le 28 décembre 2016, date à laquelle elle a tiré les conséquences du refus de la bailleresse d’exécuter les travaux sollicités aux termes de sa mise en demeure du 1er novembre 2016 ».

⚖️ La Haute Cour casse l’arrêt d’appel pour violation des articles 1184, 1719 et 1728 du code civil en rappelant que :

« Le preneur peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser, à compter du jour où les locaux sont, en raison du manquement du bailleur à ses obligations, impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, d’exécuter son obligation de paiement des loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable ».

En exigeant une mise en demeure, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, a violé les textes susvisés.

💡 L’article 1184 ancien a été remplacé par l’article 1224 lequel dispose que « la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. » et l’ordonnance de 2016 a ajouté un article 1219 « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.« 

Il n’y a toujours aucune mise en demeure préalable imposée par la législation actuelle, il est donc raisonnable de penser que la solution est toujours d’actualité à ce jour.

Lien vers la décision : https://www.courdecassation.fr/decision/68cba041e4abb8795b568fc7