CA CHAMBERY – 17 septembre 2024 – RG 22/00138
📜 Dans son arrêt rendu le 17 septembre 2024, la Cour d’appel de CHAMBERY a confirmé un jugement ayant retenu le caractère monovalent d’un local dans lequel est exploité une activité de karting et de bar-restauration et dont la destination contractuelle était « tous commerces ».
📌 Une procédure devant le juge des loyers de THONON-LES-BAINS a été intenté par la société bailleresse aux fins de voir fixer le loyer de renouvellement à compter du 1er octobre 2017 en insistant sur le caractère monovalent des locaux.
Une expertise a été ordonnée, le rapport ayant été déposé le 3 novembre 2020.
Le Tribunal a, par jugement du 16 novembre 2021, fixé à la somme de 250.000 € HC/HT le montant du loyer en soulignant qu’il existait un lien d’interdépendance entre les activités exercées – à savoir celles de bar-restauration et de karting – justifiant que la totalité des locaux soit considérée comme monovalent.
Ainsi, le juge des loyers a considéré que la société locataire ne pouvait se prévaloir du plafonnement ni remettre en cause la méthodologie appliquée par l’Expert à savoir :
- La méthode par comparaison ;
- La méthode par le taux d’effort sans distinction entre le chiffre d’affaires de l’activité de karting et celui de l’activité de restauration.
La société locataire a néanmoins interjetté appel en sollicitant l’infirmation du jugement rendu et de voir fixer le loyer de renouvellement à la somme de 110.071,40 €, soit le loyer plafond.
Elle conteste ainsi le caractère monovalent des locaux car les locaux peuvent servir à l’entreposage et l’activité de restauration et que cela n’est ni interdépendant ni complémentaire avec l’activité de karting.
A titre subsidiaire, elle conteste la méthode par le taux d’effort pour l’activité de restauration.
La Cour d’appel rappelle dans un premier temps que les locaux monovalents doivent réponrdre à deux critères cumulatifs :
- un critère matériel ou structurel, consistant à retenir que les locaux ont été soit construits en vue d’une exploitation unique destinée à une clientèle déterminée, soit transformés ou aménagés en vue de cet usage unique (Civ. 3ème 9 mai 1978, n°77-10.380) et que la date de renouvellement doit être prise en compte pour apprécier la monovalence ou la polyvalence des locaux commerciaux ;
- un critère économique permettant d’affirmer que le changement de destination des lieux n’est pas possible sans travaux importants et onéreux (Civ. 3ème 19 janvier 1982, n°80-15.744).
Dans le cas d’espèce, malgré la clause « tout usage et commerce », il n’existe pas de contestation sur l’aménagement des locaux pour une acivité de karting : une partie du mur a été déposé afin de construire une piste indoor et outdoor, le système de chauffage et de climatisation a été supprimé, une cuve enterrée avec une pompe à essence a été installée.
Une partie des locaux a été affectée à une activité de bar-restaurant avec vue sur le circuit par l’intermédiaire d’un mur entièrement vitré et d’une terrasse surplombant la piste extérieure.
La Cour confirme ainsi le jugement rendu en ce qu’il a retenu que :
- l’activité de restauration, qui représentait 28% du CA global n’était qu’un accessoire de l’activité principale de karting ;
- la configuration des lieux permet d’indiquer que la restauration était destinée aux clients ou accompagnants des clients du karting, de sorte qu’il s’agissait d’un même fonds de commerce avec une clientèle unique ;
- le changement d’affectation ne peut se faire qu’à des conditions particulièrement onéreuses : deux estimations de la dépollution des locaux affectés au karting, à l’atelier mécanique et à l’enlèvement de la cuve a essence ont été produites, l’une pour 1.628.085 € HT l’autre pour 4.290.535 € HT.
Afin d’apprécier la valeur locative, l’Expert a appliqué les méthodes de comparaison, de rendement et de taux d’effort, ce qui a été validé tant en première instance qu’en appel.
Arrêt particulièrement intéressant en ce qu’il :
- reconnait le caractère monovalent d’une activité de karting ;
- confirme qu’il n’existe aucun usage pour fixer le montant de la valeur locative pour ce type d’activité (contrairement à d’autres locaux monovalents : méthode hôtelière / méthode de la jauge).
Lien vers la décision commentée : https://www.courdecassation.fr/decision/67a45ce76f209ee13f481be4?search_api_fulltext=bail+commercial&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1
Pour en savoir plus sur la monovalence, retrouvez :
- mon article publié l’AJDI « de la polyvalence à la monovalence il n’y a qu’un pas » : https://cabinetnoyer.fr/wp-content/uploads/2025/01/AJDI11-10-pratique-noyer.pdf
- mon commentaire de l’arrêt du 23 mai 2024 : https://cabinetnoyer.fr/sur-les-criteres-de-la-monovalence-autonomie-confusion-de-clientele/