S’il existe certaines obligations légales auxquelles on ne peut déroger dans le cadre d’un bail commercial, le montant du loyer, lui, est fixé librement par les parties. Certaines règles encadrent toutefois son évolution pour les années suivant la signature du bail. La loi PINEL du 18 juin 2014 a d’ailleurs renforcé la protection du locataire en créant ce que l’on appelle “le lissage PINEL” ou encore “le plafonnement du déplafonnement” : il s’agit d’un outil limitant à 10% par année l’augmentation du loyer du bail commercial. Alors, quelles sont ces règles et surtout, comment en tirer parti selon votre situation ? Maître Jean-Marc NOYER, avocat spécialiste des baux commerciaux, vous répond.

Quand et comment augmenter le loyer du bail commercial

L’augmentation du loyer en cours de bail commercial

 

Les baux commerciaux doivent être conclus pour une durée minimum de 9 ans. Les deux moyens les plus courants permettant d’augmenter le loyer avant l’échéance du bail sont l’indexation et la révision triennale. Le premier nécessite de prévoir une clause spécifique dans le bail commercial, tandis que le second est systématiquement applicable même si le contrat ne le mentionne pas.

 

L’indexation du loyer

1. La variation automatique

 

L’indexation permet d’ajuster le loyer en fonction d’un indice économique ou monétaire, et pour une périodicité donnée. Ce mécanisme est utilisé pour maintenir la valeur du loyer en phase avec l’évolution économique, et ne nécessite pas de demande formelle de la part des parties : le loyer est automatiquement révisé à chaque échéance prévue au contrat.

 

La clause d’indexation, également appelée “clause d’échelle mobile”, est par nature réciproque : la révision du loyer s’applique aussi bien à la hausse qu’à la baisse, sans que les parties ne puissent prévoir le contraire par contrat.

 

Par ailleurs, la clause d’échelle mobile doit être indexée sur un indice ayant une relation directe avec le bail commercial ou l’activité de l’une des parties. S’il existe une multitude d’indices, sont couramment utilisés :

 

  • l’indice des loyers commerciaux (ILC), l’indice de référence des activités commerciales ou artisanales ;
  • l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT), l’indice de référence pour les locaux à usage exclusif de bureaux, les locaux industriels, les plateformes
  • logistiques et les locaux à usage professionnel ;
    ou l’indice du coût de la construction (ICC) publié par l’INSEE.
Indexation du loyer du bail commercial

2. La demande de révision du loyer suite à une variation de plus de 25%

 

L’article L. 145-39 du Code de commerce prévoit que, si par application d’une clause d’indexation, le loyer augmente ou diminue de plus de 25 % par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, alors le bailleur et le locataire  peuvent saisir le juge des loyers pour en demander la révision. Ce dernier devra alors fixer le nouveau loyer à la valeur locative du local commercial, estimée au jour de la demande.

La valeur locative est une notion très complexe qui correspond, pour simplifier, à l’estimation du loyer annuel d’un local sur le marché, compte tenu de ses caractéristiques et de son environnement. Elle est, le plus souvent, évaluée dans le cadre d’une expertise immobilière.

La révision du loyer prévue par les dispositions de l’article L. 145-39 est d’ordre public : les parties ne peuvent pas choisir d’y renoncer par contrat.

La révision triennale du loyer du bail commercial requiert le respect de formalismes spécifiques.

La révision triennale

 

La révision triennale, également appelée “révision légale” est un mécanisme légal qui permet de réajuster le loyer tous les trois ans, à la demande de l’une des parties, sans qu’une clause le prévoyant soit nécessaire. Contrairement à la clause d’indexation, la révision triennale n’est pas automatique : si le bailleur ou le locataire oublie d’en faire la demande, le loyer restera inchangé.

 

La révision légale est d’ordre public : le bail commercial ne peut interdire aux parties de s’en prévaloir. En revanche, ses conditions sont très strictes :

  • la demande doit être formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception ;
  • elle doit impérativement préciser le montant du loyer visé, sous peine de nullité ;
  • elle ne peut intervenir que 3 ans et 1 jour à compter de la dernière fixation du loyer.

Le calcul du loyer révisé

 

La révision légale se calcule, en principe, à l’aide de l’évolution des indices de référence : l’ILC ou l’ILAT, selon le type d’activité. Depuis la loi PINEL, l’utilisation de l’ICC est en effet exclue dans le cadre de la révision triennale.

Le loyer révisé est dit “plafonné” (sous-entendu, par l’indice de référence). Il est calculé de la manière suivante :

Loyer de base x indice au jour de la demande de révision ÷ indice de base.

Le loyer de base correspond à la dernière fixation de loyer, par contrat initial, avenant, renouvellement ou décision judiciaire.

Pour connaître les valeurs de l’indice à une date donnée, il convient de se référer aux tableaux de suivi de l’INSEE :

L’indice de base correspond à l’indice du trimestre au cours duquel a pris effet la précédente fixation du loyer. 

L’indice au jour de la demande est un peu plus complexe à appréhender, car il s’agit d’un calcul théorique. En effet, les indices étant publiés a posteriori, leur valeur est inconnue au jour de la demande. Il est donc utile de se faire accompagner par un spécialiste, pour éviter tout litige. 

Tableau de suivi de l'ILC INSEE

Maître Jean-Marc NOYER, avocat expert des baux commerciaux, vous assiste sur l’ensemble des problématiques liées à votre loyer (indexation, révision, renouvellement), et vous représente dans toute procédure devant le juge des loyers. Il travaille de concert avec des experts immobiliers renommés, qu’il sollicite dans le cadre d’opérations d’expertise (valeur locative, déplafonnement).

Le déplafonnement du loyer révisé

 

Dans certains cas, le loyer révisé peut être déplafonné. On parle de “déplafonnement du loyer « . Selon l’article L.145-38 du Code de commerce, ce déplafonnement est possible uniquement en cas de modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Les facteurs locaux de commercialité désignent l’environnement commercial du local. Par exemple, l’implantation d’un centre commercial, l’extension du réseau de transports en commun, ou encore la création d’une voie piétonne pourraient constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité, entraînant la hausse de la valeur locative du local commercial.

Lorsque la valeur locative varie de plus de 10% en raison de la modification des facteurs locaux de commercialité, le loyer révisé peut être déplafonné à hauteur de la valeur locative. Pour le démontrer, l’intervention d’un expert immobilier est de rigueur.

Indexation contractuelle vs. indexation

La clause d’indexation présente de nombreux avantages :

  • les parties n’ont pas besoin d’attendre la fin de la période triennale pour que le loyer soit modifié ;
  • même lorsque la clause prévoit un réajustement tous les trois ans (il n’existe aucune règle concernant la durée de l’indexation, ce peut être annuel comme tous les deux ou trois ans par exemple), celui-ci est automatique ;
  • si le bailleur ou le locataire oublie de revendiquer la hausse ou la baisse du loyer, il pourra exiger rétroactivement le paiement des sommes dues pendant une durée de 5 ans (au-delà, il y a prescription) ;
  • l’indexation n’exclut pas la révision triennale, qui reste ouverte à chacune des parties (même si le cumul des deux mécanismes peut complexifier le calcul du loyer).

En revanche, pour que la clause d’indexation soit valable, elle doit être rédigée de manière à ce que le caractère automatique de l’ajustement soit explicite. Par exemple : Le loyer sera automatiquement indexé chaque année à la date d’anniversaire du bail, par application de l’indice du coût de la construction (ICC).

 À l’inverse, la formulation suivante n’est pas adaptée au mécanisme d’indexation : Le loyer pourra être indexé tous les trois ans par l’application de l’indice du coût de la construction. Une telle disposition insérée au contrat de bail ne constituerait pas une clause d’échelle mobile, mais un simple rappel de la révision triennale légale.

La rédaction des clauses du bail nécessite la plus grande précision. Pour éviter toute erreur d’interprétation en cas de contentieux, faites appel à un avocat spécialiste, qui saura vous conseiller sur l’intérêt, ou non, de jouer sur les deux leviers en parallèle.

L’augmentation du loyer lors du renouvellement du bail commercial

Le bail commercial a pour particularité de se renouveler aux clauses et conditions du contrat d’origine, à l’exception du loyer. Les règles spécifiques du loyer dit “de renouvellement” sont visées aux articles L. 145-33 et suivants du Code de commerce. Selon les cas, les parties peuvent en demander le plafonnement, ou bien le déplafonnement.

Le plafonnement du loyer de renouvellement

 Le plafonnement du loyer de renouvellement est prévu par l’article L145-44 du Code de commerce. Sa lecture étant particulièrement complexe, en voici un décryptage.

Le loyer de renouvellement est, en principe, plafonné. Cela signifie que le loyer doit être fixé en tenant compte de la variation de l’indice de référence du contrat de bail (ILC ou ILAT selon la nature de l’activité, l’ICC étant là aussi exclu). 

Si le bail ne mentionne pas de trimestre de référence, le loyer de renouvellement plafonné est déterminé d’après le calcul suivant : 

Loyer de base x dernier indice publié à la date d’effet du renouvellement ÷ indice publié au jour de la prise d’effet du bail expiré.

  •  Le loyer de base correspond à la dernière fixation de loyer, par contrat initial, avenant, renouvellement ou décision judiciaire.
  • La date d’effet du renouvellement correspond au début du nouveau bail.
  • La prise d’effet du bail expiré correspond au début du bail d’origine. Donc pour un bail d’une durée de 9 ans, il faudra choisir l’indice publié 9 ans plus tôt.

Exemple : un bail est signé le 31 janvier 2015 pour une durée de 9 ans. Il prend effet dès le lendemain, le 1er février 2015, et le loyer est fixé à 60 000€ par an. 9 ans plus tard, le bail est renouvelé à l’initiative de l’une des parties. Le nouveau bail débute dès le 1er février 2024, l’indice de référence est l’ILAT (cf. tableaux ci-dessous).

Ici, le loyer de renouvellement est calculé de la manière suivante : 

60 000 x 132,15 ÷ 107,62 = 73.675 € 

 

132,15  correspond au dernier indice publié à la date du renouvellement du bail (T3 2023 ILAT), et 107,62  à la valeur de l’indice applicable 9 ans plus tôt (T3 2014 ILAT).

 

À noter : le mode de calcul est différent lorsque le bail s’est poursuivi tacitement après l’expiration du bail, faute de demande de renouvellement par l’une des parties. Par souci de simplicité, nous n’entrerons pas dans les détails de cette situation particulière dans le cadre de cet article.

Le déplafonnement du loyer de renouvellement

Alternativement, le loyer du bail renouvelé peut être fixé à la valeur locative, dans certains cas précis. On parle de déplafonnement du loyer de renouvellement.

 

Voici une liste non exhaustive des motifs de déplafonnement : 

  • une modification notable des obligations des parties en cours de bail (comme une augmentation significative de la taxe foncière par exemple) ;
  • une durée contractuelle du bail supérieure à 9 ans ; 
  • la tacite prolongation d’un bail de 9 ans pendant plus de 12 années ; 
  • un local à usage exclusif de bureaux ;
  • des travaux d’amélioration ;
  • une modification des facteurs locaux de commercialité ;
  • l’exercice d’une nouvelle activité ;
  • la modification des caractéristiques des locaux ; 
  • etc.
Le déplafonnement du loyer de renouvellement du bail commercial

Les limites à la hausse du loyer, introduites par la loi PINEL

La loi PINEL du 18 juin 2014, a instauré un mécanisme permettant de limiter l’augmentation du loyer en cas de déplafonnement. Dès lors que le nouveau loyer est fixé à la valeur locative, que ce soit à la suite d’une révision triennale, d’une action sur le fondement de l’article L145-39 (augmentation ou baisse de plus de 25% du loyer en application de la clause d’indexation), ou lors du renouvellement, le montant ne pourra augmenter de plus de 10% par rapport au loyer acquitté au cours de l’année précédente.

Exemple : un bail commercial se renouvelle au 1er janvier 2017. En 2016, le loyer était de 100 000 €. Lors du renouvellement, l’une des parties demande le déplafonnement. Après expertise, la valeur locative de renouvellement du local commercial est fixée par le juge à 150 000 €.

 

Dans le cas d’un bail dans lequel il n’existe pas de clause d’échelle mobile (=indexation), voici la méthode de calcul du “lissage PINEL” : 

  • le 1er janvier 2017, le loyer annuel dû sera de 110 000 € (soit 100.000 € x 1,10) ;
  • le 1er janvier 2018, le loyer annuel dû sera de 121 000 € (soit 110 000 € x 1,10) ;
  • le 1er janvier 2019, le loyer annuel dû sera de 133 100 € (soit 121 000 € x 1,10) ;
  • le 1er janvier 2020, le loyer annuel dû sera de 146 410 € (soit 133 100 € + 1,10) ;
  • le 1er janvier 2021, le loyer annuel dû sera de 150 000 € (car 146 410 € x 1,10 = 161 051€, mais le loyer est plafonné à la valeur locative) ;
  • le 1er janvier 2022, le loyer annuel dû restera de 150 000 €.

En conclusion, les mécanismes de variation du loyer sont complexes, et requièrent la plus grande vigilance de la part des bailleurs et locataires qui en font la demande. Que vous sollicitiez une augmentation du loyer de votre bail commercial, ou au contraire la contestiez, il y a de nombreuses règles à appréhender : conditions, délais, formalités, modes de calcul…Alors, le meilleur conseil reste de vous faire accompagner par une équipe expérimentée, pour optimiser le montant de votre loyer et appréhender l’ensemble des risques juridiques liés à votre contrat.

Maître Jean-Marc NOYER

Avocat expert des baux commerciaux à Paris

Je conseille et représente mes clients, bailleurs et locataires, à Paris et partout en France.

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