Cass. civ 3ème : 10 avril 2025
📜 Dans son arrêt rendu le 10 avril 2025, la Haute juridiction rappelle que la tolérance du bailleur quant à l’activité réellement exercée par le preneur ne vaut pas renonciation claire et non équivoque à engager une action visant à obtenir l’acquisition de la clause résolutoire si cette activité n’est pas conforme à la clause de destination contractuelle.
Selon l’arrêt attaqué (Metz, 27 juillet 2023), le 16 mars 2006, la société Garage de Châtel (la locataire) a pris à bail commercial, pour neuf années, des locaux appartenant à M. [R], aux droits duquel vient la société civile immobilière Foncière PVS (la bailleresse), pour une activité d’achat, vente et exposition de véhicules neufs et d’occasion.
La clause de destination était rédigée comme suit : « les locaux ( ) seront utilisés par le preneur à usage commercial et industriel. Il pourra y exercer une activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur ( ) ».
En 2017, la bailleresse a notifié à la locataire son refus d’accéder à sa demande d’exercer une activité de réparation de véhicules d’occasion et vente de pièces détachées de véhicules à moteur.
Le 16 novembre 2018, elle lui a délivré, en visant la clause résolutoire, un commandement d’avoir à respecter l’article 4 du bail relatif à la destination des locaux loués ainsi qu’un autre commandement de payer diverses sommes, visant aussi la clause résolutoire.
La locataire a assigné la bailleresse en annulation de ces commandements. La bailleresse a demandé, à titre reconventionnel, que soit constatée la résiliation du bail.
📌 La Cour d’appel a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et prononcé l’expulsion de la société locataire. Cette dernière forme un pourvoi et critique l’arrêt rendu par la Cour d’appel de METZ rendu le 27 juillet 2023.
Plusieurs moyens ont été soulevés, seuls les plus pertinents ayant été retranscrits ci-après :
- la clause de « destination » insérée dans le bail commercial permet un usage « commercial et industriel » et qu’elle avait non pas l’obligation mais la possibilité d’exercé une activité d’achat, vente exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur ;
- la renonciation à un droit résulte d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer : que renonce à se prévaloir des effets d’une clause résolutoire au titre de l’activité exercée par le preneur dans les lieux loués, le bailleur qui a connaissance des activités exercées dans les lieux loués sans réagir durant plusieurs années.
- l’attestation de mise à disposition des locaux rédigée le gérant de la SCI Foncière PVS produite aux débats et selon laquelle les locaux sont mis à disposition de la société Sarl Garage de Châtel « pour y établir le siège social de son exploitation et y exercer toutes activités conformément à son objet », est un acte autorisant l’activité de réparation de véhicules et de vente de pièces détachées puisque conforme à l’objet social de la société preneuse ;
La Haute juridiction rejette toutefois le pourvoi car :
- l’article 4 du bail, intitulé « destination » des lieux loués, indiquait que le preneur « pourra y exercer une activité d’achat, de vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur » et que « tout changement même temporaire dans la destination des lieux ou la nature du commerce exploité, ainsi que toutes activités annexes ou complémentaires devront recevoir l’accord exprès préalable et écrit du bailleur sous peine de résiliation du présent bail »,
- par lettre du 30 septembre 2017, le gérant de la locataire indiquait exercer dans les locaux loués l’activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules prévue par l’article 4, et informait la bailleresse de son « intention d’exercer une autre activité (…) consistant dans la réparation de véhicules d’occasion et la vente de pièces détachées », qu’il qualifiait de « nouvelle activité ».
- La clause de destination n’autorisait que l’activité d’achat, vente et exposition de tous véhicules, et non celle de réparation et de vente de pièces détachées, qui constituait une activité distincte, et, interprétant souverainement l’attestation de mise à disposition des locaux dont se prévalait la locataire, que la bailleresse n’avait pas donné un accord clair et non équivoque à l’exercice de cette nouvelle activité.
- Le simple silence pendant plusieurs années de la bailleresse, malgré sa connaissance des activités réellement exercées par la locataire ne peut caractériser l’absence de renonciation claire et non équivoque à se prévaloir de l’article 4 du bail.
Ainsi, il est intéressant de noter qu’il s’agisse d’une renonciation ou d’une acceptation, celle-ci doit être claire et non équivoque. La demande de déspécialisation du 30 septembre 2017 était effectivement une reconnaissance par la preneuse que l’activité de réparation n’était pas incluse dans la mesure où elle informait le bailleur de son intention d’exercer cette nouvelle activité.
Lien vers la décision commentée : https://www.courdecassation.fr/decision/67f7699e346c8e4db4347588?search_api_fulltext=bail%20commercial&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=all&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1