Cour de cassation, 3ème chambre civile, arrêt du 30 mai 2024, RG n°22-16.447
📜Dans son arrêt du 30 mai dernier, la Cour de cassation s’est prononcée sur la compétence du juge des loyers en cas de loyer dit binaire (soit lorsqu’il existe un minimum fixe et une partie variable).
En l’espèce, il a été convenu entre les parties que le loyer annuel ne pourrait être inférieur à 1,50 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par le preneur dans les locaux entre les 1er janvier et 31 décembre de chaque année.
Suite à une demande de renouvellement, ce que la bailleresse a accepté sous réserve d’appliquer un loyer d’un montant annuel de 800 000 euros, la locataire a notifié deux mémoires successifs, le premier sollicitait la fixation du prix du loyer à 545 000 euros puis dans le second, elle a soulevé l’incompétence du juge des loyers commerciaux au motif que le loyer en cause était un loyer binaire et a demandé l’irrecevabilité de la demande en fixation judiciaire du prix du bail renouvelé.
La bailleresse a opposé à cette demande la règle de l’estoppel et a soutenu par ailleurs qu’à la suite de la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé en 1996, il était établi que les parties avaient manifesté la volonté de donner compétence au juge des loyers en cas de désaccord.
Le juge des loyers a déclaré la demande de fixation du prix du bail renouvelé irrecevable, non sur le fondement de l’exception d’incompétence mais sur celui de la fin de non-recevoir, tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction du juge des loyers commerciaux.
⚖️ La Cour d’appel a confirmé l’arrêt en toutes ses dispositions en rappelant la combinaison des jurisprudences suivantes :
– “Théâtre Saint Georges” (10 mars 1993), suivant laquelle les clauses de loyer binaires échappent aux dispositions du statut des baux commerciaux ;
– “Marveine” (3 novembre 2016) qui a admis que, lorsque les parties ont prévu de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative, ce juge peut statuer, selon les critères de l’article L. 145-33 du code de commerce.
🔍 La Cour de cassation casse toutefois l’arrêt et revient donc sur la jurisprudence MARVEINE puisque, désormais, même en l’absence de toute clause expresse de recours au juge des loyers, ce dernier doit rechercher la volonté des parties dans le contrat ou dans des éléments extrinsèques.
En outre, la Haute juridiction estime que la locataire soulevait une défense au fond (exception d’incompétence) et non une fin de non-recevoir.
L’arrêt est disponible via le lien suivant : https://www.courdecassation.fr/decision/665816dfe1d75d00084fd86b