📌La Cour de cassation a rendu un arrêt le 10 juillet 2025 (RG n°23-20.491) aux termes duquel elle rappelle que les obligations de délivrance et de jouissance paisible sont des obligations continues exigibles tout au long du bail.
L’article 1709 du Code civil dispose que :
Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer.
L’article 1719 du même code ajoute que :
Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations.
Enfin, l’article 2224 du code civil ajoute que :
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
🔍 En l’espèce, a été donné à bail un terrain, des hangars et des bureaux à usage d’exploitation forestière, négoce de bois d’oeuvre et scierie.
Soutenant que la SCI bailleresse avait amputé d’un tiers l’assiette du bail en y construisant un hangar et un parking loués à un tiers et empêché l’accès aux bâtiments loués, la locataire l’a assignée en résiliation du bail et en indemnisation.
La Cour d’appel de COLMAR (17 mai 2023) a déclaré irrecevable comme prescrite son action en résiliation du bail aux torts du bailleur, en ce qu’elle est fondée sur un manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible d’une surface supérieure à 30,74 are.
Plus précisément, la cour a estimé que l’action était prescrite puisque la locataire a assigné plus de 5 années après l’imputation de l’assiette :
« le délai de prescription de l’action en résiliation fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance ou de jouissance paisible court à compter du jour de la connaissance de la réduction de la surface louée et de la difficulté à accéder au hangar
Un pourvoi est ainsi formé par la preneuse.
⚖️La Haute juridiction casse l’arrêt au motif que les obligations continues du bailleur de délivrer au preneur la chose louée et de lui en assurer la jouissance paisible sont exigibles pendant toute la durée du bail, de sorte que la persistance du manquement du bailleur à celles-ci constitue un fait permettant au locataire d’exercer l’action en résiliation du bail.
Ainsi, peu importe la date de connaissance des faits empêchant le locataire d’exploiter paisiblement les locaux loués, les obligations de délivrance et de jouissance paisible pesant sur le bailleur étant continues et ne faisant donc pas commencer à courir le délai de prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil.
Lien vers la décision commentée : https://www.courdecassation.fr/decision/686f55a63f11a71c18e869a6?search_api_fulltext=bail%20commercial&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=all&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1