CASS – Civ 3ème – 11 juillet 2024 – RG n°23-16.040
📜Dans un arrêt du 11 juillet 2024 dernier, le litige concernait des impayés et la demande de délai formulée devant le juge du fond alors même que ceux accordés par le juge des référés n’ont pas été respectés.
⚖️En l’espèce, la société civile immobilière de l’Ormeau (la bailleresse), propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail à la société Thisbe international immobilier (la locataire), lui a délivré, le 17 novembre 2014, un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire stipulée au bail, avant de l’assigner devant le juge des référés en constatation de l’acquisition de cette clause et en expulsion.
Une ordonnance du 25 février 2015 a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et en a suspendu les effets au respect par la locataire de l’apurement de sa dette locative selon un échéancier.
Invoquant un non-respect des délais de paiement, la bailleresse a délivré à la locataire un commandement de quitter les lieux. Un arrêt du 6 avril 2017, sur appel d’un jugement du juge de l’exécution, a rejeté la demande de la locataire en annulation de ce commandement.
Le 23 mai 2017, la locataire a assigné la bailleresse devant un tribunal judiciaire aux fins de voir annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire, ou, subsidairement d’obtenir de nouveaux délais de paiement rétroactifs, de dire n’y avoir lieu à résiliation du bail et d’obtenir des dommages-intérêts.
Se posait donc la question de savoir si le juge du fond pouvait octroyer de nouveaux délais de paiement ?
🔍 Tant le juge du fond que la Cour d’appel ont refusé d’accorder rétroactivement de nouveaux délais à la société Thisbe international immobilier parce que des délais, non respectés, avaient déjà été accordés par l’ordonnance de référé et ne pouvaient l’être à nouveau, quand bien même cette ordonnance n’avait pas autorité de chose jugée au principal.
La locataire estime toutefois que :
- l’absence d’autorité de chose jugée au principal lui permettait d’accorder de nouveaux délais, la cour d’appel a violé les articles L. 145-41 du code de commerce et 488 du code de procédure civile ;
- le jugement rendu dans le cadre de la procédure devant le juge de l’exécution avait certes l’autorité de chose jugée, mais la société Thisbe international immobilier n’avait formulé aucune demande de délai de sorte qu’une telle demande ne pouvait faire l’objet de la chose jugée par le jugement du 5 janvier 2016 confirmé par l’arrêt du 6 avril 2017, la cour d’appel violant ainsi les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile.
La Cour de cassation rejette toutefois son pourvoi au motif qu’il résulte de l’article L. 145-41 du code de commerce que, lorsqu’une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d’un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, la cour d’appel, qui, saisie au fond, constate que ces délais n’ont pas été respectés, ne peut en accorder de nouveaux selon une jurisprudence bien établie (3e Civ., 2 avril 2003, pourvoi n° 01-16.834, Bull. 2003, III, n° 7 ; 3e Civ., 15 octobre 2008, pourvoi n° 07-16.725, Bull. 2008, III, n° 152.)
La Haute juridiction considère ainsi que la cour d’appel a exactement énoncé que, si le juge du fond, sur le fondement de l’article L. 145-41 du code de commerce, peut accorder rétroactivement des délais de paiement au locataire, suspendre les effets de la clause résolutoire et dire qu’elle n’a jamais produit ses effets après avoir constaté que les paiements intervenus ont permis l’apurement de la dette locative au jour de l’audience, ce n’est qu’à la condition que le locataire n’ait pas déjà obtenu des délais en référé.
Or, dans la mesure où la locataire en a obtenu, la clause résolutoire était acquise et elle ne pouvait en obteir de nouveaux même à titre rétroactif.
Arrêt disponible sur le lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050044161