CASS – ch. com. fin. et éco – 3 juillet 2024 – RG n°22-13.676
📜Dans son arrêt du 3 juillet 2024 dernier, la Cour de cassation a rendu une décision au sujet de l’articulation entre jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire et fixation du montant du passif.
⚖️ En 2018, soutenant que la société propriétaire des murs avait perçu des loyers de ses sous-locataires, la société locataire l’a assigné en remboursement de ces sommes. La bailleresse a reconventionnellement sollicité la résiliation du bail, la condamnation de la preneuse au paiement des loyers impayés au 1er mai 2019, et son expulsion.
Le 18 mars 2020, la société locataire a été mise en redressement judiciaire, un mandataire judiciaire ayant ensuite été désigné.
La société bailleresse a déclaré sa créance le 5 mai 2020.
Le 17 mars 2021, la locataire a bénéficié d’un plan de redressement, résolu par un jugement du 11 janvier 2013 qui a prononcé sa liquidation judiciaire.
🔍 La Cour d’appel a néanmoins débouté la bailleresse de sa demande fixation, au passif de la procédure collective de la société locataire, de sa créance, régulièrement déclarée, correspondant à des arriérés de loyers. Elle estime que la dette est composée de loyers et d’indemnités d’occupation et donc qu’elle ne pouvait être examinée indépendamment de la résiliation du bail commercial.
📜 La Haute juridiction casse l’arrêt au visa des articles L 622-21 I et L 622-22 du code de commerce rendus applicables au redressement judiciaire par l’article L 631-14 du même code.
La Cour de cassation rappelle ainsi, à titre liminaire, que ‘ »dès l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire, et le cas échéant l’administrateur dûment appelé, mais tendent uniquement à la constatation de créances et à la fixation de leur montant. »
Si le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation d’un débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat de bail pour défaut de paiement de somme d’argent, la Haute juridiction estime que cela ne fait pas obstacle à ce que le bailleur, qui avait demandé la condamnation à payer les loyers arriérés de son locataire avant le jugement d’ouverture le concernant, puisse faire constater le principe de sa créance et en fixer le montant au passif dès lors qu’il a régulièrement déclaré sa créance.
La Cour de cassation estime donc que la cour a violé les textes précités dans la mesure où celle-ci était saisie par la société propriétaire exclusivement d’une demande en paiement de loyers arriérés formée à l’occasion d’une instance en cours et qu’elle constatait que la bailleresse avait régulièrement déclaré sa créance et que le mandataire judiciaire avait été mis en cause devant elle. Si l’instance en cours a été interrompue par l’ouverture du redressement judiciaire, celle-ci avait été néanmoins régulièrement reprise, raison pour laquelle il lui appartenait de se prononcer sur la créance et d’en fixer, le cas échéant, le montant au passif de la société débitrice.
Arrêt disponible sur le lien suivant : https://www.courdecassation.fr/decision/6684e949a0de54ff609f7aa5?search_api_fulltext=bail+commercial&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&op=Rechercher+sur+judilibre&page=1&previousdecisionpage=1&previousdecisionindex=3&nextdecisionpage=1&nextdecisionindex=5