Cass. civ 3ème : 16 octobre 2025 – RG n°22-23.653
📜 La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel rejetant la demande d’acquisition de la clause résolutoire d’un bailleur ayant délivré un commandement visant à obtenir le paiement de la taxe foncière et ce en raison de l’imprécision de la clause répercutant cette charge.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
La question de la répartition des charges entre bailleur et preneur, et notamment celle de la taxe foncière, est fréquemment source de litiges. La validité et l’étendue des clauses de charges doivent être interprétées strictement, en distinguant les charges communes des charges privatives afférentes au local loué.
📌 En l’espèce, la SCI des Lônes a consenti un bail commercial à la société Express Service selon bail renouvelé à compter du 26 septembre 2005. Les locaux loués étant situés dans un centre commercial. L’article 7.2 du bail d’origine, dont les clauses ont été reconduites à l’identique lors du renouvellement, prévoyait que le preneur était tenu de régler au bailleur sa quote-part de toutes les charges, prestations, fournitures, taxes et dépenses afférentes aux locaux pris à bail de manière à ce que le loyer perçu soit considéré comme net de charges.
Cet article précisait que les charges affectées au local commercial étaient définies dans le cahier des charges de l’association syndicale libre et dans le règlement de copropriété. Il ajoutait que la gestion des locaux privatifs propriété du bailleur générait des charges privatives, dont l’impôt foncier.
Le 10 décembre 2020, la bailleresse a délivré un commandement de payer une certaine somme correspondant notamment aux taxes foncières afférentes au local loué, visant la clause résolutoire du bail, puis a assigné la locataire en référé pour faire constater la résiliation du bail et obtenir son expulsion ainsi que le paiement d’une provision.
La cour d’appel de Grenoble, dans son arrêt du 6 octobre 2022, a dit n’y avoir lieu à référé. Elle a retenu que l’article 7.2 du bail était relatif aux charges du centre commercial et non aux charges afférentes au local privatif lui-même, et qu’à défaut de stipulation précise, la locataire n’était pas redevable des taxes foncières afférentes au local privatif loué. La créance de la bailleresse, reposant sur le paiement des taxes foncières relatives au local privatif, était donc sérieusement contestable.
La bailleresse forme un pourvoi en critiquant l’arrêt au double motif que la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et qu’elle a dénaturé les termes du bail.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle relève que la cour d’appel a constaté, d’une part, que l’article 7.2 du bail indiquait seulement, après avoir précisé que le preneur était tenu de régler au bailleur sa quote-part de toutes les charges afférentes au centre commercial, que la gestion des locaux privatifs générait des charges privatives dont l’impôt foncier.
D’autre part, la cour d’appel a relevé que dans l’instance en fixation du loyer de renouvellement, la bailleresse avait elle-même soutenu que la locataire n’était pas astreinte au remboursement de l’impôt foncier du local loué, même si elle supportait les charges afférentes au centre commercial.
La Haute juridiction approuve ainsi la cour d’appel qui a pu en déduire, sans dénaturation, que les demandes de la bailleresse fondées sur le paiement des taxes foncières du seul local loué se heurtaient à l’existence d’une contestation sérieuse qu’il ne lui appartenait pas de trancher.
Autrement dit, une simple mention des charges privatives dans une clause de charges, sans stipulation claire et précise imposant au preneur le remboursement de la taxe foncière du local privatif, ne suffit pas à établir clairement l’obligation du locataire de supporter cette charge. Face à l’ambiguité d’une clause contractuelle, le juge des référés a ainsi considéré à raison qu’il existait une contestation sérieuse l’empêchant de statuer.
Lien vers la décision commentée : https://www.courdecassation.fr/decision/6713c8c02e6af8a92cce7f49