📜 Dans un arrêt rendu le 22 mai 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est intéressée à l’articulation entre délais de paiement accordés lors d’une procédure d’acquisition de la clause résolutoire et une décision ultérieure du juge des loyers fixant rétroactivement le montant du loyer de renouvellement.
Textes applicables au cas d’espèce :
L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.
L’article L. 145-41 du code de commerce la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L’article 1290 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ajoute que la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs et les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives.
En l’espèce, par acte du 1er octobre 2004, il a été donné à bail commercial à la société HR Le Lesquinois un local à usage d’hôtel-restaurant. Un commandement de payer visant la clause résolutoire a ensuite été signifié à la demande de la bailleresse puis celle-ci a saisi le Tribunal d’une demande de résiliation de plein droit de la convention locative.
Un jugement du 23 mai 2017 a constaté la résiliation du bail au 10 décembre 2015 et en a suspendu les effets en accordant des délais de paiement à la locataire.
Par décision du 4 février 2019, le juge des loyers commerciaux a fixé le loyer du bail renouvelé depuis le 1er octobre 2013 à un montant inférieur à celui du bail précédent et acquitté par la locataire depuis le renouvellement. Jugement ayant fait l’objet d’un appel dont l’arrêt – rendu le 4 juin 2020 – a fixé le montant du loyer du bail renouvelé à un prix encore inférieur.
Le bailleur a délivrer un commandement de quitter les lieux le 29 avril 2019. La locataire a saisi le juge de l’exécution, jugement dont il a été relevé appel. La cour d’appel de douai a accueilli favorablement la demande du preneur et à annulé le commandement de quitter les lieux du 29 avril 2019.
C’est ainsi que par acte du 20 janvier 2022, la bailleresse a signifié à la locataire un (nouveau) commandement de quitter les lieux en vertu du jugement du 23 mai 2017, laquelle a saisi, une fois de plus, le juge de l’exécution d’une demande en mainlevée de ce commandement et indemnisation du préjudice subi à raison de sa délivrance.
Outre les multiples arguments exposés par les parties, la Cour d’appel de Douai a estimé que la compensation entre les créances respectives des parties s’est opérée à la date du jugement qui a réduit le montant du loyer de la société HR le lesquinois, soit le 4 février 2019, de sorte que l’extinction à cette date de la dette de la société HR le lesquinois arrêtée par le jugement du 23 mai 2017 est postérieure à l’acquisition de la clause résolutoire le 8 août 2017.
Elle en conclut donc que dans la mesure où « la clause résolutoire a été acquise le 8 août 2017, la mainlevée du commandement du 20 janvier 2022, au motif que la société HR le lesquinois ne serait plus à cette date débitrice de la société bailleresse au titre des causes du jugement du 23 mai 2017, aurait pour conséquence, en violation des dispositions susvisées, de suspendre l’exécution de ce titre exécutoire, en empêchant l’expulsion de la société HR le lesquinois qui est un effet de la résiliation du contrat de bail. C’est seulement dans le cadre de l’examen de la demande de délais pour quitter les lieux fondée sur les articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution qu’il pourra le cas échéant être tenu compte de l’extinction de la dette de la société HR le lesquinois. »
La locataire forme un pourvoi et la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour défaut de base légale car la cour aurait dû rechercher si les conditions fixées par le jugement du 23 mai 2017 avaient été satisfaites par le jeu de la compensation en raison de la fixation, rétroactive, du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2013.
La haute juridiction rappelle notamment que l’effet extinctif de la compensation judiciaire des créances réciproques connexes est réputé s’être produit au jour de l’exigibilité de la première d’entre elles (Com., 20 février 2007, pourvoi n° 05-19.858, Bull. 2007, IV, n° 50) :
Attendu que les sociétés Sacfom font encore grief à l’arrêt d’avoir ordonné la compensation des créances réciproques des parties alors, selon le moyen, qu’en prononçant la compensation entre la dette de la coopérative et la dette de celle-ci envers l’adhérente au titre du remboursement de ses droits sociaux, dettes dont la première était exigible à compter de l’assignation tandis que la seconde ne l’était qu’après apurement des comptes, et en assortissant seulement le solde, soit la somme de 18 664,11 euros, des intérêts au taux légal, compensant ainsi une dette exigible sans l’assortir des intérêts avec une dette qui ne l’était pas, la cour d’appel a violé les articles 1291 et 1153 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que les créances réciproques étaient connexes, ce dont il résulte que l’effet extinctif de la compensation ordonnée était réputé s’être produit au jour de l’exigibilité de la première d’entre elles, c’est à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;
Autrement dit, si la compensation a eu pour effet d’éteindre la dette du locataire au titre des échéances fixées par le juge, le commandement de quitter les lieux délivré postérieurement pourrait être contesté.
Lien vers la décision : https://www.courdecassation.fr/decision/682ebb7d9d9918cbebdef1ab?search_api_fulltext=bail+commercial&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=6&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=8