Cass civ 3ème – 6 février 2025 – RG 23-18.360
📜 Dans son arrêt rendu le 6 février 2025, la Cour de cassation se prononce sur le champ d’application de l’article L145-41 du Code de commerce.
La question suivante se posait : cet article permet-il au preneur de solliciter des délais et la suspension de la clause résolutoire uniquement en cas de non-paiement des loyers et charges ?
Pour rappel, voici une retranscription dudit texte:
« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.«
L’article 1343-5 du Code civil ajoute quant à lui :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. »
⚖️ En l’espèce, un bail commercial a été signé entre les Parties, les locaux loués étant destinés à l’exploitation d’un restaurant. La convention locative stipule que « sauf les exceptions prévues par la législation en vigueur, les lieux loués doivent toujours rester ouverts, exploités et achalandés. »
Après avoir, le 10 janvier 2019, fait constater la fermeture du restaurant, la bailleresse a, le 24 du même mois, délivré au locataire un commandement de reprendre l’exploitation du fonds, visant la clause résolutoire prévue au bail.
La bailleresse a assigné le locataire en constatation de la résiliation du bail. Le locataire a formé une demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire.
📌 La Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE (CA aix-en-provence 30 mars 2023), a rejeté la demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire en estimant que l’article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce permet au juge d’accorder des délais au preneur et à suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire uniquement en cas de résiliation du bail pour non-paiement des loyers et charges.
La Cour a vraisemblablement basé son interprétation de l’article précité à l’appui de l’article 1343-5 du Code civil, lequel permet au juge de donner des délais de paiement.
La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel pour violation de la loi .
En effet, selon la Haute juridiction, il résulte de l’article L.145-41 alinéa 2 du Code de commerce que la suspension des effets d’une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quel que soit le manquement à ses obligations reproché au locataire.
Lien vers la décision commentée : https://www.courdecassation.fr/decision/67a45ce76f209ee13f481be4?search_api_fulltext=bail+commercial&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1