CA VERSAILLES 3 octobre 2024 RG n°22/04815

📜Dans son arrêt rendu le 3 octobre 2024, la Cour d’appel de VERSAILLES traite de la question des dommages-intérêts sollicités en cas de rupture des pourparlers dans une affaire où le projet de bail commercial n’a finalement pas été signé par l’une des parties.

⚖️ Dans le courant de l’année 2018, la société HERTZ et les Consorts X, ces derniers exerçant une activité d’investissement et de développement immobilier, se sont rapprochées au sujet d’un projet d’implantation d’un local commercial de locations de véhicules.

Plusieurs opérations d’implantation immobilière auraient été déjà été effectuées entre les parties précédemment.

Le projet de bail commercial, dont la signature n’est finalement jamais intervenue, contenait notamment les conditions suspensives suivantes :

– à la charge du bailleur :

* l’obtention d’un permis de construire, purgé de tout recours autorisant la réalisation de l’immeuble projeté,

* l’acquisition de la parcelle de terrain

* la livraison effective du bien au preneur ;

– à la charge du preneur :

* la ratification du bail par sa société mère aux Etats-Unis, Hertz International, au plus tard dans les deux mois de la signature.

Le permis de construire a été accordé par arrêté du 27 mai 2019 mais la société HERTZ n’a finalement pas donné suite au projet au motif qu’elle n’a pas reçu l’approbation de sa maison-mère.

Les Consorts X décident de saisir le tribunal judiciaire de VERSAILLES.

🔍Par jugement du 23 juin 2022, le Tribunal judiciaire a condamné la société Hertz France à payer aux Consorts X la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages causés par la rupture abusive des négociations contractuelles engagées entre les parties.

Ils interjettent appel car insatisfaits du montant de la condamnation.

📜La Cour d’appel rappelle que le simple fait de rompre les négociations avec son partenaire, même si la rupture a causé un préjudice à ce dernier, n’est pas source de responsabilité, seule étant sanctionnée, au titre de la responsabilité extracontractuelle, la faute commise dans le cadre des négociations, comme celle tenant aux circonstances dans lesquelles les négociations ont été rompues, au regard notamment du caractère brutal de la rupture, de la mauvaise foi de l’auteur de la rupture ou encore de l’absence de motifs légitimes.

Elle ajoute que les consorts X ont été maintenus dans l’incertitude de la signature du contrat de bail durant une durée excédant les limites de la bonne foi pour se voir finalement notifier la rupture des négociations de manière brutale, à l’occasion d’une mise en demeure de déposer le panneau d’affichage associé à un permis de construire dont la société Hertz France ne pouvait feindre d’ignorer l’existence, puisque le projet de bail y faisait référence.

Dans ces circonstances, le refus de la maison-mère, quoique de nature à faire défaillir la condition suspensive du contrat de bail si celui-ci avait été conclu, ne pouvait constituer un motif légitime de rupture des pourparlers.

Sur le préjudice et les dommages-intérêts, la Cour rappelle que seule est indemnisable le dommage certain, direct et légitime, à l’origine de préjudices pour lesquels le principe de réparation intégrale sans perte ni profit, exige une appréciation in concreto, exclusive de toute évaluation forfaitaire (V. not. Com. 31 janv. 2012, n° 10-24.781 ; Civ. 3ème, 23 mars 2010, n° 09-11.873 ; Civ. 2ème, 12 mai 2010, n° 09-67.789).

La Cour estime toutefois que les dépenses exposées par les appelants – note d’architecte qui finalement n’avait pas été réglée, préjudice lié à la conclusion d’une promesse de vente ayant donné lieu à une procédure en restitution de l’indemnité d’immobilisation – résultent de la négligence des Consorts X et qu’il n’y a pas lieu de leur accorder des dommages-intérêts à hauteur de 200.000 € comme sollicité.

Au contraire, le jugement est infirmé et la société Hertz France a été condamnée à payer aux appelants la somme de 3 587, 95 euros à titre de dommages et intérêts (au lieu des 15.000 €) au motif que seuls les frais liés au permis de construire et des frais de déplacement – rendez-vous, pouvaient légitimement être pris en compte.

L’évaluation, vraisemblablement forfaitaire, faite par le juge de 1ère instance est ici sanctionnée.

Lien vers la décision commentée : https://www.courdecassation.fr/decision/66ff85eba4ff9ec259c09a6e?search_api_fulltext=bail+commercial&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=ca&op=Rechercher+sur+judilibre&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=0&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=2

Partager cet article