📜 La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel ayant condamné un cédant de fonds de commerce, garant solidaire du cessionnaire, au paiement de loyers impayés alors qu’une transaction était intervenue entre le bailleur et le cessionnaire portant renonciation au paiement de ces mêmes loyers.
L’article 1199 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, dispose que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes. En principe, les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter.
L’article 1200 du même code précise que les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat. Ils peuvent cependant s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait.
L’article 2051 du code civil dispose que la transaction faite par l’un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux.
L’article 1315 du code civil prévoit que le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs, telles que la nullité ou la résolution, et celles qui lui sont personnelles. Il ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d’autres codébiteurs, telle que l’octroi d’un terme. Toutefois, lorsqu’une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation ou de remise de dette, il peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette.
🔍 En l’espèce, un bail commercial a été consenti en 1999 puis renouvelé à plusieurs reprises. En décembre 2018, le locataire cède son fonds de commerce avec engagement de garantie solidaire au profit du bailleur. En juin 2020, le bailleur assigne le cédant-garant en paiement de loyers impayés par le cessionnaire-locataire.
Le 3 mai 2021, le bailleur et le cessionnaire-locataire concluent un protocole transactionnel par lequel le bailleur renonce à tout paiement de loyer pour toutes les périodes antérieures à la signature du protocole, moyennant le paiement immédiat par le locataire de la somme de 40 995,11 euros au titre des loyers du troisième trimestre 2020. Le protocole précise qu’il ne fait obstacle qu’à l’introduction entre les parties d’une action en justice ayant le même objet, à l’exclusion de toute action introduite à l’encontre d’une personne tiers au protocole.
La cour d’appel de Paris (23 novembre 2023) condamne le cédant-garant au paiement des loyers du quatrième trimestre 2019 et de la période du 1er janvier au 17 février 2020. Elle retient que la transaction signée entre le bailleur et le cessionnaire-locataire ne fait obstacle qu’à l’introduction d’une action entre ces parties, à l’exclusion de toute action à l’encontre d’une personne tiers au protocole. La signature du protocole par le bailleur ne constitue donc pas une renonciation à toute action en justice à l’encontre du garant.
⚖️ La Haute Cour casse l’arrêt :
« Si la transaction est un contrat qui ne peut produire d’effet qu’entre les parties qui l’ont conclue et qu’à ce titre, un tiers ne peut se prévaloir de ses effets, elle constitue pour lui un fait juridique, de sorte que le tiers codébiteur solidaire peut invoquer les engagements contenus dans la transaction intervenue entre le créancier commun et l’un de ses coobligés, dès lors qu’il en résulte pour ce dernier un avantage dont il peut lui-même bénéficier. »
👉 Si la transaction ne lie que les parties signataires en vertu de l’effet relatif des contrats, elle constitue néanmoins un fait juridique dont le codébiteur solidaire peut se prévaloir lorsqu’elle comporte un avantage dont il peut bénéficier.
La cour d’appel aurait dû rechercher si le bailleur n’avait pas consenti au cessionnaire-locataire un avantage dont le cédant-garant pouvait bénéficier. En l’espèce, la renonciation du bailleur à réclamer au cessionnaire le règlement de loyers impayés constituait manifestement un tel avantage.
Lien vers la décision : https://www.courdecassation.fr/decision/6729d668c6ae0d3cf49bb93b