Vous êtes sur le point de signer un bail commercial ? Ou bien vous êtes déjà engagé contractuellement, mais des travaux doivent être réalisés au sein du local ? Cet article s’adresse aux bailleurs et aux locataires qui s’interrogent sur leurs obligations en termes d’entretien, de réparation, et plus généralement de travaux, dans le cadre de leur bail commercial. Dans cet article, Maître Jean-Marc NOYER vous partage un condensé des règles de droit applicables en la matière, et attire votre attention sur les éléments à vigiler lors de la rédaction ou de la négociation de votre contrat. 

Les règles relatives aux travaux dans le cadre du bail commercial, en résumé

  • À défaut de clause spécifique insérée au contrat de bail, les règles de droit commun s’appliquent : le locataire prend en charge les réparations locatives, c’est-à-dire les tâches d’entretien et de réparation courantes (raccords de peinture, dégorgement des canalisations, entretien du jardin…). Le bailleur doit, en principe, prendre en charge tous les autres travaux selon le Code civil :  travaux de mise en conformité, de mise aux normes, réparations liées à la vétusté…
  • Les Parties sont toutefois libres de répartir leurs obligations comme elles l’entendent par contrat sous réserve que les clauses soient suffisamment claires et détaillées.
  • En revanche, certaines règles sont d’ordre public et s’appliquent automatiquement, sans que les Parties puissent y déroger par contrat. Notamment, depuis la Loi Pinel de 2014, les « grosses réparations », définies par l’article 606 du Code civil comme des travaux qui impactent la structure de l’immeuble, restent à la charge du bailleur. Toute clause contraire pourra être contestée par le locataire.

Le droit commun s’applique en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques

 

Les obligations du locataire en matière de travaux dans le cadre d’un bail commercial

Prendre en charge les réparations locatives

Selon l’article 1754 du Code civil, « les réparations locatives ou de menu entretien » sont à la charge du preneur, c’est-à-dire le locataire. Il s’agit des tâches d’entretien et de réparation courantes, telles que : 

  • assurer la propreté des surfaces ;
  • entretenir le revêtement des sols ;
  • réparer les dispositifs de fermeture des placards ; 
  • réparer les ampoules et prises de courant ;
  • etc.

 

Informer le bailleur des travaux à réaliser

En dehors de ces tâches d’entretien courantes, tous les autres travaux incombent au bailleur, à moins que le contrat de bail ne prévoit d’autres règles. Nous reviendrons en détail sur cet aspect dans la suite de cet article.

De manière générale, si des travaux s’avèrent nécessaires et qu’ils sont à la charge du bailleur, le locataire doit l’en informer. En effet, sans mise en demeure du propriétaire, il sera difficile de lui reprocher un manquement à ses obligations. Le locataire doit donc être en mesure de prouver qu’il a alerté le bailleur des travaux à réaliser (mails, lettre recommandée avec accusé de réception…)

 

Supporter les travaux engagés par le bailleur

Lorsque c’est le bailleur qui est à l’initiative des travaux, il doit lui aussi en informer le locataire. Mais alors,  le preneur a-t-il son mot à dire ? Est-il contraint de cesser, totalement ou partiellement, son activité le temps des travaux ? Peut-il prétendre à une indemnisation ? 

L’article 1724 du Code civil prévoit que si les réparations sont urgentes, le locataire n’a d’autre choix que de les accepter. Mais à partir du 21e jour, le loyer doit être diminué proportionnellement au temps et à la surface condamnée en raison des travaux.

Toutefois, le contrat de bail peut contenir une clause dite « de souffrance », prévoyant que le preneur est tenu de supporter les travaux sans aucun dédommagement. Dans ce cas, l’article 1724 n’est pas applicable. Mais selon l’ampleur des travaux, le locataire pourra tout de même demander réparation de son préjudice, s’il parvient à démontrer que le bailleur ne respecte pas son obligation de délivrance. Celle-ci impose au bailleur de délivrer à son locataire un local qui lui permette d’exercer l’activité prévue au bail. Ce point est détaillé dans la suite de cet article.

Les obligations du bailleur en matière de travaux dans le cadre d’un bail commercial

Réaliser tous les autres types de réparation

 

En dehors des réparations locatives visées à l’article 1754, tous les autres travaux relèvent en principe de la responsabilité du bailleur : rénovation, mise en conformité aux normes de sécurité et d’accessibilité, grosses réparations, gros travaux… La notion de « grosses réparations » est floue et n’est pas définie précisément : l’article 606 du Code civil se contente de viser les travaux qui impactent la structure et la solidité de l’immeuble.

C’est pourquoi il arrive fréquemment que dans le cadre de litiges, les parties cherchent à démontrer que tel ou tel travaux est assimilable, ou pas, à de « grosses réparations ». Par exemple, un ravalement de façade peut être imputé au locataire si le bailleur parvient à démontrer que la structure de l’immeuble n’est pas impactée.

Une analyse approfondie des devis et factures, voire même l’avis d’un architecte, est parfois indispensable pour déterminer la répartition des dépenses entre bailleur et locataire. Il est alors plus que recommandé de se faire accompagner par un avocat. 

Informer le locataire des travaux à venir

Depuis la loi Pinel de 2014, lors de la conclusion et du renouvellement d’un bail commercial, le bailleur doit informer le locataire des travaux réalisés au cours des 3 années passées, et de ceux prévus dans les 3 années à venir. Il est donc recommandé au locataire de bien vérifier ces informations avant la signature du bail ou de son renouvellement.  

La loi Pinel ajoute que le bailleur doit également informer le preneur de ses projets de travaux tous les 3 ans. 

 

Délivrer un bien adapté aux besoins du locataire

L’ article 1719 du Code civil impose au bailleur de délivrer le local dans un état qui permet au locataire de conduire ses activités commerciales. Il s’agit de l’obligation dite  « de délivrance ». L’article 1720 alinéa 2 du Code civil ajoute : « il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives ». 

Ainsi, si le locataire est dans l’incapacité d’exploiter son activité en raison du mauvais état du local (toiture présentant de nombreuses infiltrations, effondrement d’un mur…), il pourra forcer son bailleur à réaliser des travaux.

Selon la jurisprudence, l’obligation de délivrance autorise même le preneur à cesser de payer le loyer, lorsque le locataire ne peut plus du tout exploiter son activité en raison du mauvais état du local (Cass. 3e civ., 27 févr. 2020, n° 18-20.865).

Le cas des travaux réalisés par le locataire dans le cadre d’un bail commercial

Les travaux d’aménagement

Comme vu précédemment, le locataire est tenu d’effectuer un certain nombre de travaux d’entretien. Mais est-il dans l’obligation de prévenir son bailleur ? La réponse dépend à la fois de votre contrat, et du type de travaux envisagés. 

En effet, les travaux doivent respecter les clauses du bail. Un contrat peut tout à fait prévoir que tel type d’aménagement fasse l’objet d’un accord préalable du propriétaire ou d’un tiers (un architecte, un plombier…). Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un bailleur réclame la remise en état des locaux, après qu’un locataire a débuté un chantier sans respecter la procédure fixée par le bail.

Les aménagements ne doivent pas non plus porter préjudice au bailleur, en entraînant par exemple des conflits avec la copropriété. 

En revanche, pour les petits travaux d’aménagement, comme le rafraîchissement de la peinture, il n’est en principe pas nécessaire d’avertir le bailleur. 

Encore une fois, il est préférable de faire appel à un professionnel pour vous guider sur ces questions délicates et sujettes à interprétation. 

Les gros travaux

Les grosses réparations visées par l’article 606 du Code civil doivent impérativement faire l’objet d’une autorisation écrite et expresse du bailleur.

Ainsi, un commerçant qui installerait des blocs de climatisations sans autorisation pourrait se voir contraint de suspendre les travaux et de remettre le local dans l’état initial. Pire, le propriétaire pourrait même s’en prévaloir pour résilier le bail, tout en demandant au locataire de supporter le coût de la remise en l’état. 

Lorsqu’une clause relative aux travaux est insérée au bail commercial, c’est elle qui prime, à deux conditions

 

1. La clause relative aux travaux doit être précise et non ambiguë

Toutes les obligations exposées plus haut relèvent du droit commun, c’est-à-dire qu’elles ne s’appliquent qu’à défaut de clause relative aux travaux insérée au contrat de bail. Lorsqu’une telle clause existe, c’est elle qui prévaut et qui régit la répartition des obligations entre les Parties. 

Mais pour être valable, la clause doit être suffisamment claire et précise. Une raison de plus de se faire accompagner par un professionnel pour la rédiger !

En effet, il n’est pas rare que les bailleurs tentent de faire peser le maximum de responsabilités sur le locataire. Il est donc important que le preneur soit bien informé de ses obligations. En cas d’ambiguïté, le juge aura tendance à retenir une solution favorable au preneur. 

 

2. Les gros travaux restent à la charge du bailleur, depuis la loi Pinel

Depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, il n’est plus possible de faire prendre en charge au locataire les grosses réparations. Ainsi, les travaux visés par l’article 606 du Code civil restent à la charge du bailleur, quels que soient les termes du contrat signé par les Parties. La loi Pinel s’applique à tous les baux conclus ou renouvelés après le 1er septembre 2014.  

C’est la fin de cet article sur les règles de droit applicables en matière de travaux dans le cadre des baux commerciaux. Vous l’aurez compris, bailleurs et locataires bénéficient d’une grande liberté contractuelle pour répartir leurs obligations respectives sur le sujet. Cela leur confère un avantage certain, mais il existe également de nombreuses subtilités légales introduites, entre autres, par la loi Pinel. C’est pourquoi il est préférable de vous faire accompagner par un cabinet d’avocat pour rédiger ou négocier votre bail commercial, ou défendre vos intérêts lors d’éventuels litiges.

Maître Jean-Marc NOYER

Avocat expert des baux commerciaux à Paris

Je conseille et représente mes clients, bailleurs et locataires, à Paris et partout en France.

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