📜 La Cour de cassation a rendu un arrêt le 22 mai dernier confirmant sa jurisprudence récente (arrêts du 27 juin 2024 commentés ici : https://cabinetnoyer.fr/remise-en-etat-dun-local-commercial-suite-au-depart-du-locataire-sur-le-necessaire-prejudice/ ) à savoir que le bailleur doit prouver le préjudice subi si celui-ci entend obtenir la condamnation du locataire à prendre en charge le coût de la remise en état des locaux.
📌 En l’espèce, une société prend à bail des locaux qu’elle quitte le 30 juin 2014 après avoir délivré congé.
La bailleresse l’a assignée ainsi que la société Lecoq (entreprise qui était en charge de l’assistance technique pour la pompe à chaleur équipant les locaux) , aux fins d’obtenir notamment leur condamnation in solidum à l’indemniser du coût de remplacement de la pompe à chaleur et de la perte des loyers du deuxième semestre 2014.
Le 11 février 2016, la bailleresse a levé l’option du crédit-bail et a revendu l’immeuble.
La Cour d’appel de Bordeaux, par arrêt du 2 juillet 2023, a condamné in solidum la société Lecoq et la société preneuse à prendre en charge une certaine somme au titre du remplacement de la pompe à chaleur en soulignant qu’il importait peu que les travaux n’aient pas été réalisés par la bailleresse qui a vendu l’immeuble.
En effet, l’arrêt insiste sur le fait que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur, le préjudice pouvant comprendre le coût de la remise en état des locaux sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l’exécution dedites réparations ou à l’engagement effectif des dépenses.
Un pourvoi est formé et, conformément aux arrêts du 27 juin dernier, l’arrêt est cassé.
La Haute juridiction rappelle que le juge doit prendre en compte, lorsqu’elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition.
Or, en l’espèce, le locataire a été condamné sans preuve du préjudice subi, lequel ne peut se matérialiser uniquement du fait de la faute contractuelle de la locataire.
La Cour de cassation casse ainsi l’arrêt, la cour d’appel ayant violé les textes et principes suivants :
Article 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Article 1732 du code civil : le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.
Principe de la réparation intégrale du préjudice :les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé sans qu’il en résulte pour lui ni perte ni profit.
Lien vers la décision commentée : https://www.courdecassation.fr/decision/682ebb889d9918cbebdef1bb?search_api_fulltext=23-21.228&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=&nextdecisionindex=