Droit de préférence légal : précisions sur le dernier alinéa de l’article L145-46-1 du Code de commerce

19 Juin 2025 | Jurisprudence

 📌La Cour de cassation a rendu deux arrêts le 19 juin 2025 au sujet de l’une des exceptions visées à l’artile L145-46-1 du Code de commerce, prévoyant un droit de préférence légal au bénéfice du preneur à bail commercial en cas de vente des murs.

L’article L145-46-1 du Code de commerce dispose que : 

Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d’acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.

Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans ce délai est caduque.

Le locataire qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.

Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.

Le présent article n’est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial. Il n’est pas non plus applicable à la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint. Il n’est pas non plus applicable lorsqu’il est fait application du droit de préemption institué aux chapitres Ier et II du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme ou à l’occasion de l’aliénation d’un bien sur le fondement de l’article L. 213-11 du même code.

 Les exceptions visées ne sont toutefois pas clairement identifiées en raison d’une rédaction maladroite. 

Se posait notamment la question de savoir, même 10 ans après la promulgation de la loi PINEL, si la vente d’un immeuble comprenant un seul local commercial et non « des locaux » commerciaux permettait au locataire à bail de se prévaloir de son droit de préférence légal.

🔍 Dans les deux arrêts commentés, il n’y avait qu’un seul local commercial au sein de l’immeuble, la bailleresse ayant vendu les différents lots à une acquéreuse sans proposer à la vente les murs au preneur à bail. C’est ainsi que les locataires ont, sur la base de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, assigné leur bailleresse et l’acquéreur en nullité de la vente. 

La Cour d’appel de LIMOGES (30 mars 2023 n°21/00934) ainsi que la Cour d’appel de PARIS (2 juin 2023 pôle 4 chambre 1) ont rejeté les demandes des locataires en considérant qu’elles ne pouvaient bénéficier du droit de préférence légal.

⚖️La Haute juridiction, par deux arrêts publiés au bulletin, rejette les deux pourvois en précisant la portée du dernier alinéa de l’article L145-46-1, selon lequel le droit de préférence n’est pas applicable à la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux.

En effet, la Cour de cassation estime que cette exception s’applique aussi pour la cession d’un immeuble comprenant « un seul local commercial » et non pas plusieurs « locaux commerciaux » : 

        « Il en résulte que le locataire à bail commercial ne bénéficie pas d’un droit de préférence lorsque le local pris à bail ne constitue qu’une partie de l’immeuble vendu, même si celui-            ci ne comprend qu’un seul local commercial. »

Elle écarte ainsi une interprétation strictement littérale du texte, permettant ainsi d’éclairer ce texte qui demeure obscur sur certains points (voir notamment : https://cabinetnoyer.fr/bail-commercial-clause-daugmentation-forfaitaire-un-mecanisme-avantageux-mais-a-manier-avec-precaution-loyer-copropriete-novembre-2024-2/ )

Lien vers les deux décisions : https://www.courdecassation.fr/decision/6853d9f55253664177a3e756?search_api_fulltext=bail%20&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&op=Rechercher%20sur%20judilibre&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=0&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=2 & https://www.courdecassation.fr/decision/6853d9f75253664177a3e758?search_api_fulltext=bail%20&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&op=Rechercher%20sur%20judilibre&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1