À la différence du locataire, qui peut donner congé sans motif particulier, le propriétaire des locaux, lui, doit systématiquement motiver sa décision. En effet, il existe un nombre limité de cas pour lesquels le bailleur (le propriétaire) peut refuser le renouvellement du bail commercial sans indemniser le preneur (le locataire). En dehors de ces situations, le bailleur devra obligatoirement adresser au preneur une offre d’indemnité d’éviction. Alors quels sont ces motifs, et surtout, comment s’assurer qu’ils soient pris au sérieux devant un juge ? C’est la question à laquelle Maître NOYER, avocat expert des baux commerciaux, répond à travers cet article.
Pour un motif grave et légitime
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial pour un “motif grave et légitime”. Le législateur n’en donne toutefois pas de définition précise. C’est pourquoi il revient au Tribunal d’apprécier la gravité de l’infraction au cas par cas, en cherchant à évaluer si le maintien de la relation locative reste tolérable ou non.
Par exemple, il a été considéré dans plusieurs décisions que les infractions ci-dessous constituaient des motifs graves et légitimes :
- le non-paiement du loyer et des charges par le locataire ;
- la dégradation du local ;
- le défaut d’assurance ;
- la cessation sans raison de l’exploitation du fonds de commerce ;
- le changement d’usage des locaux sans autorisation ;
- les injures, propos diffamatoires et attitudes violentes à l’égard du bailleur ;
- la violation, sur plusieurs mois, du règlement de copropriété, si cela occasionne une gêne tangible aux autres occupants des lieux ;
- le refus d’entreprendre les réparations locatives visées par l’article 1754 du Code civil. Sur ce dernier point, nous avons rédigé un article complet sur les obligations du bailleur et du locataire en matière de travaux.
En cas de non-respect par le locataire des conditions requises pour prétendre à l’indemnité d’éviction
Selon l’article L. 145-8 du Code de commerce, le droit au renouvellement du bail suppose que le locataire :
- soit titulaire d’un titre locatif soumis au statut des baux commerciaux ;
- soit immatriculé au Registre du commerce et des sociétés ;
- soit propriétaire du fonds de commerce, et qu’il l’ait exploité de manière régulière et effective pendant les 3 années qui ont précédé l’expiration du bail.
Si l’une de ces conditions n’est pas remplie à la date du congé donné par le bailleur, le refus de renouvellement ne donne en principe pas lieu au versement d’une indemnité. Il existe toutefois de nombreuses subtilités, d’où la nécessité de recourir à un spécialiste.
Que vous soyez bailleur ou preneur, un avocat expert des baux commerciaux saura défendre vos intérêts et évaluer précisément les risques liés au refus de renouvellement.
Lorsque l’immeuble est insalubre ou dangereux
L’article L. 145-17 I du Code de commerce énonce que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité dans les cas où :
- “l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative » ;
- ou bien “l’immeuble ne peut plus être occupé sans danger et en raison de son état.”
Ces situations sont à distinguer à deux égards. D’une part, l’état d’insalubrité doit être reconnu par une autorité administrative, alors que la dangerosité relève de l’appréciation des juges. D’autre part, si l’état de dangerosité est établi, il n’est pas nécessaire d’engager la démolition de l’immeuble.
Pour reprendre une partie du terrain afin d’y construire un local d’habitation
Selon l’ article L. 145-24 du Code de commerce, le propriétaire peut reprendre la partie du terrain sur laquelle il souhaite construire un local d’habitation, sans avoir à indemniser le preneur.
En revanche, si cette construction sur une partie du terrain seulement venait à nécessiter l’arrêt complet de l’exploitation du locataire, celui-ci pourra prétendre au versement d’une indemnité d’éviction.
Pour reprendre le local d’habitation accessoire au bail commercial afin de se loger
Les baux commerciaux peuvent porter sur des locaux à usage mixte, composés à la fois d’une partie à usage commercial, et d’un logement à usage d’habitation. L’article L. 145-22 du Code de commerce prévoit que, dans le cas d’un bail mixte, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail portant sur le local d’habitation, lorsqu’il souhaite s’y loger, ou bien loger son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.
Attention, les conditions de la reprise pour habitation sont strictes :
- le propriétaire ou sa famille ne doivent pas disposer par ailleurs d’une habitation répondant à leurs besoins normaux ;
- et le local doit pouvoir être habité sans que des travaux d’aménagement ne soient nécessaires.
L’indivisibilité des locaux, ou encore le trouble grave causé par la reprise à l’exploitation commerciale, viendront complexifier davantage le traitement de ce cas. C’est pourquoi ici encore, il est préférable de vous faire accompagner par un avocat spécialisé.
Pour reprendre le local d’habitation accessoire au bail commercial lorsqu’il est inutilisé
L’ article L. 145-23-1 du Code de commerce énonce que, dans le cadre d’un bail mixte, le bailleur peut reprendre le local d’habitation s’il n’est pas affecté à un usage d’habitation.
Dans ce cas, la reprise ne peut avoir lieu que 6 mois après le congé délivré à cet effet, à condition que le local ne soit toujours pas habité à cette date.
Ainsi, s’il souhaite faire obstacle à la reprise, le locataire peut :
- démontrer qu’elle entraînerait un trouble grave à l’exploitation du fonds de commerce ;
- utiliser la partie d’habitation et prouver qu’elle constitue désormais sa résidence principale ;
- ou la sous-louer, si le bail le permet.
Dans les deux derniers cas, il dispose de 6 mois à compter du congé donné par le bailleur.
Nous arrivons à la fin de cet article sur le refus de renouvellement du bail commercial sans indemnité d’éviction. En résumé, il existe 5 cas bien spécifiques, pour lesquels le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans avoir à dédommager le locataire. En dehors de ces cas, l’indemnité d’éviction est incontournable, et les sommes versées non négligeables. Si vous ne vous retrouvez dans aucune de ces situations, nous vous encourageons à lire attentivement notre article sur l’indemnité d’éviction dûe dans le cadre du bail commercial. Quoi qu’il en soit, que vous soyez bailleur ou locataire, l’enjeu est de taille. Alors, si vous envisagez de mettre un terme à votre bail commercial, vous avez tout intérêt à vous faire conseiller par un professionnel !
Sources
- Article L. 145-8 du Code de commerce
- Article L. 145-17 I du Code de commerce
- Article L. 145-22 du Code de commerce
- Article L. 145-23-1 du Code de commerce
- Article L. 145-24 du Code de commerce
Maître Jean-Marc NOYER
Avocat expert des baux commerciaux à Paris
Je conseille et représente mes clients, bailleurs et locataires, à Paris et partout en France.